"Le héros est un être irrémédiablement centré."
EMERSON.
La voie initiatique est un retour au centre, symbolisé par le paradis terrestre où se tient la tradition primordiale. Avant d'aller plus loin, il faut préciser que
la compréhension du symbolisme du Graal se fait à différents niveaux de lecture, exotérique, mésoterique et ésotérique. La pensée du Moyen Age est une pensée analogico-symbolique dans laquelle
l'homme comprend les rapports entre les principes et les lois ainsi qu'entre tous les règnes de la nature. L'homme en tant que représentation microcosmique de l'univers macrocosmique participe
activement à la continuité entre tous les plans. Aujourd'hui, nous sommes dans une pensée inductive-déductive, où seule l'analyse des faits nous intéresse, nous coupant ainsi de tout accès à la
transcendance. Du global nous sommes passés au particulier, et du spirituel au matériel. Ceci pour dire que la relation incroyable ou extravagante des aventures du Graal n'est pas due au hasard
mais est bien le fait d'initiés, pour ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir.
Le Graal aurait été taillé par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Il fut confié à Adam dans le paradis, mais celui-ci le perdit après sa transgression, car
il ne put l'emporter hors du paradis. Récupéré par Seth, troisième fils d'Adam, il parvint par une transmission secrète à Jésus le jour de la Cène. C'est dans cette coupe que fut recueilli le
sang de Jésus sur le calvaire. Elle fut confiée à Joseph d'Arimathie, disciple secret de Jésus, qui ensevelit aussi le corps de ce dernier. Le Graal aurait été ensuite transporté par Joseph
d'Arimathie et Nicodème (représentants des pouvoirs temporel et spirituel) en Grande-Bretagne. Là, le dernier fils de Joseph d'Arimathie fonda avec la fille de Nascien (descendant du roi Salomon)
la dynastie des rois pêcheurs, gardiens du Graal.
C'est là que le roi Mordrain, beau-frère de Nascien, dévoré par l'envie de contempler le Graal et n'étant point désigné pour le faire, voulut outrepasser l'interdiction et fut cruellement frappé
par un ange qui lui perça les deux cuisses de sa lance.
Le roi Mordrain porta depuis ce temps le nom de "roi mehaigne" (c'est-à-dire blessé), sachant qu'il ne guérirait que lorsque viendrait le "meilleur chevalier du monde" et que, sitôt guéri, il
pourrait enfin mourir.
Telle est brièvement exposée l'histoire du Graal depuis son origine jusqu'au commencement des Temps Aventureux.
Les religions dominantes ont toujours su s'approprier les cultes anciens pour asseoir leur autorité. Le Graal n'échappe pas à cette règle. Chez les peuples celto-nordiques, il existait déjà. Dans
le Lebar gabala, le livre des conquêtes transmis par les bardes d'Irlande, il est dit que les "Tuata de Danann" (les dieux lumineux venus du Nord) apportèrent de leur contrée (Hyperborée) les
quatre objets magiques : la pierre du sacre, qui crie lorsque le roi s'assied dessus (qui rappelle le siège périlleux), la lance de Lug, le chaudron d'immortalité (le Graal est aussi associé à
une pierre), et l'épée Kaledwlch (appelée Excalibur).
La tradition nous dit que Merlin (lien entre la civilisation celte et chrétienne) transmet son savoir à maître Blaise, un clerc plein de sagesse. La légende dit que saint Blaise sauva un cochon
de la gueule d'un loup. Le cochon ou sanglier, un des deux animaux symboles des Celtes, représente le sacerdoce.
Remarquons en passant que les Templiers vouaient un culte particulier à saint Blaise et que le loup en alchimie figure le Saturne des philosophes, c'est-à-dire le père des dieux, Chronos,
principe de la tradition primordiale. Blaise, Blasios signifie en grec avoir "les pieds en dehors" rappelle Hephaïstos, le Dieu du feu et de la forge, et des cabires alchimistes.
Arthur est l'ours celtique, l
'etoile polaire dans la constellation de la petite Ourse, symbole de la royauté. Cette contrée du Nord, siège de la tradition primordiale, est à la fois la terre du
sanglier druidique et de l'ours de la royauté celtique. Voilà aussi pourquoi Arthur n'est pas un roi du temps des hommes, il est le roi du centre polaire.
Il existe dans la queste un moment symbolisé par le pont de l'épée, constitué du tranchant d'une épée jetée au-dessus d'une eau sombre. Le héros, qui réussit à traverser sur ce tranchant et se
blesse, fait le lien entre l'âge d'or et le monde des hommes. Il devra ressouder cette épée brisée, ensanglantée, qui évoque la rupture entre les hommes et les dieux, la chute des origines
primordiales. C'est la l'essentiel de la queste.
LES 7 DEGRÉS DE LA QUESTE :
Il n'est pas possible d'aborder tout le foisonnement symbolique des nombres, couleurs, postures, temps et lieux contenus dans la queste du Graal. Nous nous
bornerons à en dégager l'essentiel.
Les chevaliers étaient tous réunis à Camelot au château du roi Arthur lorsqu'une très belle demoiselle entra à cheval dans la salle de la Table ronde. Cette table, symbole de la rondeur du monde
et de la course des planètes dans le cosmos, indique que la queste n'est pas d ordre terrestre mais cosmique. Elle est la découverte des significations spirituelles et doit se poursuivre non pas
à pied suivant le sens littéral d'un déroulement historique mais à cheval, l'animal psychopompe, car il s'agit d'un voyage symbolique à travers l'espace et le temps. Le vieux prud'homme annonce
que dans cette queste, nul ne pourra y entrer avec demoiselle ni qu'il ne soit nettoyé de toute vilenie. Il s'agit de renoncer aux compagnies extérieures, aux désirs terrestres et à la vie
profane, pour entrer dans un voyage initiatique intérieur.
Le commencement de la queste du Graal
La journée de cette annonce contient en germe tout le déroulement de la queste, dont nous donnons une brève explication pour chacune des étapes
1 - L'apparition de la pierre dans laquelle est fichée l'épée lumineuse destinée au meilleur chevalier du monde.
L'épée symbolise la sagesse et la puissance du verbe. C'est 1'arme de la connaissance et des combats spirituels. :L'épée enchâssée dans un roc est 1'image de la
connaissance enfouie au centre de 1'etre qui ne peut être extraite que par un chevalier initié.
Le roc, la pierre qui retient, n'est autre que la materia prima, les potentialités, les plans profonds de 1'être
2 - Le repas où exceptionnellement tous les chevaliers sont présents à la Table ronde présidée par le roi Arthur.
Tous les chevaliers sont présents, c'est-à-dire que tous les éléments sont en présence pour que l'aventure puisse commencer. A cette occasion, le roi Arthur fait un serment : ne jamais toucher de nourriture un jour de fête avant qu'une aventure ne se soit produite devant lui. Le banquet symbolise le festin de la vie, mais avant que celui-ci ne puisse avoir lieu, il faut qu'à "l'origine des temps" la divinité se soit sacrifiée, démembrée et offerte en nourriture à ceux qui, pour la connaître et la réintégrer, doivent d'abord l'assimiler, c'est-à-dire consommer les fruits de la vie. C'est pourquoi celui qui ne mange pas et ne boit pas le fruit du sacrifice ne peut avoir de part avec la divinité sacrifiée. Chaque nouveau cycle demande un sacrifice à l'origine afin que les fruits puissent être consommés. C'est pourquoi Arthur et sa cour attendent qu'une aventure ou un avènement se produise devant eux avant de commencer le banquet.
3 - L'apparition du prud'homme âgé, vêtu d'une robe blanche, menant un chevalier en armure vermeille, qui vient s'asseoir sur le siège périlleux, premier signe de sa valeur.
Le gentilhomme âgé n'est autre que Merlin, l'homme cosmique prisonnier de l'amour qu'il porte à Viviane. Par son sacrifice librement consenti (il se laisse emprisonner dans le château de cristal du lac), il ouvre les portes de l'aventure au Saint Graal. Il attend lui aussi la venue du meilleur chevalier du monde dont la pureté seule pourra virtuellement délivrer l'enchanteur qui dort au fond de chaque existence.
4 - Galaad qui, en présence de la reine, retire l'épée du perron, deuxième preuve de sa valeur.
L'épée n'est pas sans rapport avec la Dame qui représente l'intuition spirituelle et connaissante. L'épée est souvent remise au héros par la Dame qui en oriente ainsi l'usage et la destination.
5 - Le tournoi, où Galaad est victorieux de tous ses adversaires, à l'exception de Lancelot, Perceval et Bohort, troisième preuve de sa valeur.
Les trois preuves de la valeur de Galaad font référence aux trois plans, physique, psychique et mental que le héros doit conquérir et maîtriser. Par sa victoire au combat, il montre qu'il est le plus fort physiquement. Lorsqu'il s'assoit sur le siège périlleux (qui exécute ceux qui ne sont pas désignés comme purs), il conforte sa maîtrise sur le monde psychique. Lorsqu'il retire l'épée de la pierre, il prouve son contrôle du monde de l'intellect et du mental.
6 - L'apparition du Saint Graal à la Table ronde dans un bruit de tonnerre et un rayon de lumière qui fait la salle sept fois plus claire, privant les assistants de
la parole.
Le Graal nourrit chacun de tout ce qu'il demande et pense.
Après sa disparition, chacun retrouve la parole.
Le Graal, représenté sous forme de coupe ou de pierre, apporte la connaissance transcendante en ce qu'il dévoile à chacun sa totalité. C'est le troisième œil (cette émeraude tombée du front de Lucifer) qui voit au-delà des apparences. C'est aussi la pierre philosophale des alchimistes. II est à rapprocher du chaudron celtique, source d'abondance, de résurrection et lieu où les bardes venaient puiser leur inspiration. C'est à la queste de 1'immortalité que convie l'apparition du Graal
7 - Le vœu, proclamé par Gauvain, repris par tous, d'entrer dans la queste du Graal pendant un an et un jour, suivi de l'apparition du vieux prud'homme qui en indique la signification céleste et la nécessité de se séparer des dames et de se purifier préalablement.
Le vœu de Gauvain de poursuivre la queste pendant un an et un jour symbolise le cycle d'existence d'une révolution solaire. II y a un rapport d'équivalence entre l'année, le temps de la vie humaine et le cycle cosmique.
LES 7 CHEVALIERS :
Le lendemain, cent cinquante chevaliers prêtent serment de maintenir la queste.
Parfois au nombre de douze, les chevaliers expriment les principes divins de 1'Univers manifestant le verbe dans la création. Les premiers chevaliers qui prononcent le serment sont
Galaad, Perceval, Bohort,
Lancelot, Gauvain, Lyonnel et Helain le Blanc.
Ce sont les seuls nommés sur les cent cinquante dont les aventures sont contées.
Remarquons encore la symbolique du nombre sept : la journée est marquée par sept événements importants, (apparition du Graal provoque une lumière sept fois plus claire, les sept premiers
chevaliers seront nommés et ils auront sept aventures avant de parvenir au Graal. Il importe de retenir cette indication que la queste comporte quantitativement dix fois moins d'aventures que
d'habitude, nous laissant entendre que, par analogie numérale, elle a qualitativement dix fois plus de portée spirituelle).
Sur les sept chevaliers nommes, trois parviendront ensemble à l'accomplissement de la queste : Galaad, Perceval et Bohort. Les autres personnages cités dans le récit représentent les chevaliers
dont on dit que la queste les ennuyait car ils rencontraient dix fois moins d'aventures que d'habitude.
Ils symbolisent cette chevalerie terrienne prisonnière des apparences du monde, perdue dans une errance perpétuelle, uniquement intéressée par la recherche des faits d'armes.
GALAAD :
Il est dit vierge de tout pêché. Son apparition est accompagnée de tous les mandats célestes.
Il est l'archétype du chevalier célestiel et symbolise le sommet de la perfection de la voie chevaleresque.
Il est vêtu de soie vermeille avec un bouclier blanc à croix vermeille.
Ces armes sont aussi celles des templiers.
Le blanc et le rouge sont les couleurs de l'eau et du feu spirituel, du sacerdoce et de la royauté, de la contemplation et de l'action.
Ce feu d'en haut est aussi la couleur symbolique attribuée à l'archange Saint-Michel, archétype spirituel de la chevalerie.
Il vient occuper le siège périlleux et achever la queste du Saint Graal dans le plan visible.
PERCEVAL :
Son nom symbolise la voie directe, rapide de la queste. Né et élevé dans les forets, il représente la nature vierge par excellence.
Il reste vierge comme Galaad ; il ne s'agit pas pour lui d'une disposition surnaturelle mais native. II est naïf, simple de cœur et d'esprit, rayonnant de beauté.
Il incarne ce qui demeure transparent, les puissances des règnes minéral, végétal et animal, non corrompues par la chute. Son regard perce le val des apparences par la lumière de sa foi.
BOHORT :
Parmi les trois prédestinés qui accomplissent la queste, il est le seul à ne pas être vierge mais chaste. Sa chasteté signifie à la fois la connaissance du corps et
la maîtrise de celui-ci pour le dominer et le dépasser.
Son cheminement est marqué dès le début par l'adoption d'une discipline austère (il se nourrit de pain et d'eau). Bohort rencontre des combats et des tentations éprouvantes. Il chemine toujours
seul, guidé par ses songes et sa voix intérieure. Représentant la voie des combats solitaires, il est le type de la voie héroïque.
C'est le seul des trois qui revient sur terre à la cour d'Arthur après l'achèvement de la queste et qui en transmet le récit à la postérité.
Autant Galaad évoque l'alliance de la grâce, Perceval celle de la nature, autant Bohort incarne celle de la loi et de la rigueur.
LANCELOT :
Son nom signifie le serviteur. Lancelot, élevé par la Dame du Lac, la fée Viviane, recèle en lui toutes les ambiguïtés des eaux du lac, à la fois symbole de pureté limpide et reflet trompeur du miroir de la manifestation d'où naît 1'attachement aux formes. Ainsi il est séduit par la reine Genièvre, ce qui le retient prisonnier de ses sens et stérilise ses vertus naturelles. Lancelot, meilleur chevalier terrestre, engendre Galaad, meilleur chevalier céleste.
Dans tous les tournois, Lancelot a été vainqueur. Mais une fois, au cours d'une joute opposant les chevaliers noirs (terrestres) qu'il défendait et les chevaliers blancs (célestes), il a été vaincu par son fils Galaad. Cette défaite scelle son destin : abandonné par ses forces humaines, Lancelot s'abandonne à la volonté divine. Par ses mortifications, il obtiendra d'entrevoir le Saint Graal. Lancelot incarne la voie du salut par la pénitence, la conversion et la discipline - voie exotérique prisonnière des formes, bonnes ou mauvaises. Cependant il est le seul chevalier non prédestiné a atteindre le château du Graal.
GAUVAIN :
II est le neveu du roi Arthur. Dans le cycle arthurien, c'est le soleil de la chevalerie terrestre : il est dit que ses forces croissent et décroissent avec le
lever et le coucher du soleil. C'est le chevalier le plus courtois, le premier à se présenter pour défendre les nobles causes.
Il incarne le sens de l'honneur. Appelé "l'homme du monde le plus aimé des nations étrangères", illustrant ainsi de façon particulière la signification cosmique de la Table ronde : "De toutes
terres où habite la chevalerie, soit chrétienne, soit païenne, les chevaliers viennent à la Table ronde."
Lui seul connaît en totalité le sort de ses compagnons. Il fait partie de ceux qui n'atteindront pas le Graal et il s'entretuera avec d'autres compagnons sans les reconnaître.
LYONNEL :
Frère de Bohort et cousin germain de Lancelot, il est décrit dans le songe de Bohort comme une poutre pourrie.
Songe expliqué par l'ermite : Lyonnel n'a aucune vertu du Seigneur pour le soutenir, il est tout pourri par les péchés qu'il a accumulés en lui de jour en jour. Lyonnel est aveuglé par l'orgueil,
l'ambition et la colère.
Il se bat contre son frère qu'il ne reconnaît pas. Il tue dans sa colère un ermite et un compagnon de la Table ronde venu s'interposer.
Il représente le moi inférieur et les illusions de l'ego, la révolte de l'individu endurci par 1'orgueil.
HÉLAIN LE BLANC :
Ce nom recouvre sept autres compagnons de la Table ronde qui échoueront dans la queste. Trois sont tués dans des combats fratricides, trois autres sont perdus dans
une errance sans fin et le dernier parvient au château du Graal, mais les portes se ferment devant lui car il est "trop haut monté" sur le cheval de son orgueil et de sa force terrestre.
Ces sept chevaliers appelés mais non élus, égarés dans l'action terrestre, symbolisent ceux qui ne dépassent pas le monde de l'extériorité. Ils restent enfermés dans les illusions des apparences
visibles et des puissances charnelles, prisonniers du cosmos.
Dans cette énumération, nous avons remarqué que les trois chevaliers prédestinés incarnent chacun une voie d'accès au Saint Graal, une voie spirituelle différente
et complémentaire.
Chez Galaad, prédomine le détachement, la négation de l'ego, la voie unitive de la mystique. Chez Perceval, c'est le dévoilement, les découvertes naturelles, la voie illuminative.
Chez Bohort, c'est l'ascèse, la voie purgative de la mystique.
Ces trois voies, quoique distinctes, sont en réalité indissociables et doivent se vivre simultanément.
On peut donc discerner trois cheminements possibles, trois "écoles" spirituelles, dont les différences sont comparables a celles qu'on peut trouver entre la spiritualité franciscaine, celle des
Cisterciens et celle des Bénédictins, voire entre la règle des chevaliers hospitaliers, la voie des chevaliers errants et trouvères (trouveurs) et la règle des Templiers.
Si les chevaliers élus (Galaad, Perceval, Bohort) et le chevalier sauvé (Lancelot) arrivent au château du Graal par sept étapes chacun, ils changent de monture à la
cinquième étape et chacun de manière différente.
Lancelot, dont les aventures (dans le cycle Lancelot-Graal) sont l'expression des trois phases qui constituent l'initiation chevaleresque (la faute ou l'egarement, l'expiation ou la révélation,
la purification), parvient après sa conversion au bord de la rivière marcoise. Un chevalier noir surgit de 1'eau et "tue" son cheval (c'est l'erreur ou le "mal" qui sort du chaos pour détruire
son énergie vitale). II s'abandonne à Dieu qui lui envoie la nacelle ou gît la soeur de Perceval.
Perceval, dont la structure légendaire est analogue à celle de Lancelot, "perd" son cheval au combat puis se fait prêter un autre cheval qui est "tué" sous lui. Après diverses tentations, il lui
est envoyé la nef.
Bohort, au moment de monter dans la nef "oublie" d'embarquer son cheval.
Galaad, lui, laisse consciemment son cheval sur la rive avant d'embarquer. Plus tard, pour achever sa queste, il lui sera amené un cheval blanc par le chevalier blanc (représentation de saint
Michel et de la fonction sacerdotale vers laquelle s'achemine Galaad, évoquée par la couleur blanche).
A partir de la cinquième étape, les chevaliers ne se dirigent plus par eux-mêmes mais sont dans une arche guidée invisiblement par la main de Dieu. Changer de monture signifie donc changer
d'état, abandonner son individualité pour se laisser guider par son père spirituel. C'est au cours de cette traversée des eaux primordiales que l'être, étant nettoyé et dégagé de ses accrochages
inférieurs, peut accéder à un degré supérieur de réalisation. Ces changements de véhicules symbolisent une mort initiatique.
Ces sept étapes correspondent aux sept sphères planétaires, ainsi que, dans le cas de Bohort, aux sept phases de l'oeuvre alchimique. Les métaphores des récits font référence à l'arbre de vie,
arbre de la connaissance, dissimulé derrière la forêt Gaste, lieu primordial, où se déroule la recherche du sang divin qui restaure l'etat édénique. L'arbre de vie prit comme image du monde le
tronc représentant l'axe du monde, autour duquel s'ordonnent et se hiérarchisent les existences de l'être.
Chacune des étapes est marquée par 1'accomplissement d'une action dans un lieu symbolique qui est en affinité avec la nature de la voie de chacun. Bohort passe par de nombreux châteaux en pierre,
Perceval, lui, traverse la nature et la forêt Gaste et ne rencontre aucun château. Galaad, lui, passe aussi bien par la nature que par les châteaux.
Avant de parvenir au château du Graal, les trois chevaliers n'obtiennent le "passage" que par le sacrifice de la sœur de Perceval, vierge et fille de roi, qui livre son sang pour guérir la
lépreuse, après avoir abattu les dix chevaliers qui gardaient son château. Ils ne peuvent donc atteindre leur transformation personnelle qu'après avoir vaincu les dix aspects ténébreux de
"l'arbre de la mort" et avoir accompli la régénération de la nature humaine déchue (symbolisée par la demoiselle lépreuse) par l'effusion du sang vierge et royal de la "demoiselle qui jamais ne
mentit", qui symbolise la part divine de leur être.
LES ÉTAPES DE LA QUESTE DES QUATRE CHEVALIERS ADMIS AU CHÂTEAU DU GRAAL :
Abbaye : découverte de 1'écu miraculeux à croix vermeille. Rencontre de 1'ange du bouclier. Epreuve du cimetièrede la pierre tombale. |
Forêt Gaste : avec Lancelot attaque Galaad, puis part a sa recherche. |
Ermitage : confession, communion, changement d'habits, larmes de componction, adoption d'une discipline ascétique. Discours alchimique de l'ermite. |
Forêt Gaste : avec Perceval, attaque Galaad sans le reconnaître. Nuit près d'une chapelle, sommeil, vision du Graal et voix accusatrice, perte de ses armes. Prise de conscience. |
Forêt : voies de gauche et voies de droite. Combats pour une couronne. Délivre son écuyer. |
Forêt Gaste : chez la recluse; sa tante. Annonce des trois chevaliers qui achèvent la queste. Explication des trois tables, de la cène, du Graal et de la Table ronde. La merveille du feu vermeille. |
Tour : vision de l'arbre sec et du pélican. Songes du cygne, du corbeau; de la poutre et des lys. Délivre la terre de la dame de la Tour. passe la nuit chez une dame veuve. |
Premier ermitage : repentir, pénitence, confession. La parabole des talents. Y reste trois jours. Conversion |
Le château des sept pucelles : délivrance du château. Victoire sur les sept chevaliers. Péchés capitaux à midi. Fait sonner du cor. |
Monastère dans forêt : vision du roi Mordrain-Ewalach, roi de Sarraz, gisant depuis 400ans. Histoire de sa lignée et de sa blessure. |
Forêt : les trois tentations vaincues ; Lyonnel battu et la pucelle qu'il délivre. La tour de la demoiselle tentatrice. |
Deuxième ermitage : le saint homme mort qu'il ensevelit. La parabole des appelés et des élus au banquet des noces. Mortification : haire et discipline. Songe des sept rois et des deux chevaliers : les neuf fleuves. Reconquête de ses armes. |
Forêt Gaste : attaqué par lancelot et perceval. Délivre Perceval attaqué. Combat conte Hector et Gauvain. Délivre un château. |
Forêt Gaste : attaqué par vingt hommes armés, sauvé par Galaad. Son cheval perdu, un autre tué. La dame qui propose le cheval noir du diable. |
L'abbaye de moines blancs : explication de ses visions et de ses songes et de la signification de ses combats. Passe la nuit chez une dame veuve. |
Troisième ermitage : deuxième confession. Explication du songe des neuf fleuves. Tournoi des noirs et des blancs où il est vaincu. Nuit chez la recluse. |
Ermitage : Rencontre avec la demoiselle qui le conduit à son château, puis à la nef de Perceval et Bohort où il s'embarque. |
L'île montagne : combat du lion et du serpent. Songe des deux dames. la nef blanche du prud'homme. |
Le combat près d'un ermitage : non loin d'un château où a lieu un tounoi pour une veuve ; affrontement avec Lyonnel. Séparation par la foudre. Passe la nuit dans une abbaye. Une voix le guide à la nef de Perceval où il s'embarque. |
La rivière marcoise : entouré de forêts et de rochers. Son cheval tué, quitte ses armes et s'abandonne à Dieu. Apparition de la nacelle de la pucelle morte où il s'embarque. |
La nef de Salomon : (idem que pour Perceval) changement d'épée. Guérison du roi Mordrain. La fontaine bouillonnante apaisée. Délivrance de l'âme de Siméon. Voyage avec Lancelot. |
La nef de Salomon : |
La nef de Salomon : (idem que pour Perceval) chevauchée solitaire de cinq ans. |
La barque de la pucelle : navigation solitaire. Le prud'homme de l'île. Les six mois avec Galaad. Un mois seul avant d'aborder au château du Graal par la porte des lions. |
Le château du Graal : l'épée ressoudée. Guérison du roi Mehaigné. Josèphe et les douze élus. Vision du Christ dans l'hostie. Apparition du Christ. |
Le château du Graal : L'épée brisée ressoudée. Josèphe et les douze élus. Apparition du Christ. |
Le château du Graal : L'épée brisée ressoudée par Galaad lui est remise. Josèphe et les douze élus. Apparition du Christ. |
Le château du Graal : l'épreuve des lions. Minuit : vision du Graal. |
Le palais spirituel de Sarraz : couronnement de Galaad et mort en extase. |
Le palais spirituel de Sarraz : Perceval meurt en religion. |
Le palais spirituel de Sarraz : retour de Bohort à la table ronde. |
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Extrait du livre Initiation chevaleresque et initiation royale , de Gerard de Sorval.
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