(...) La grande difficulté de toucher aux problèmes ésotériques consiste en ce que notre civilisation, analytique par excellence, avec sa spécialisation étendue à l’infini, est parvenue à créer une élite très cultivée, mais avec cette particularité qu’en général, l’intellectuel ne possède qu’une parcelle infime de notre Savoir. Fin spécialiste dans sa branche, il n’a que des notions sommaires du reste. Or, comme ce reste embrasse l’ensemble de la vie qui devient de plus en plus complexe et fiévreuse - et qu’il faut affronter à tout instant - parallèlement au morcellement de la Connaissance, on a créé tout un système de « boutons » afin que les pressant, l’individu obtienne les effets voulus sans passer par l’étude et le travail. En payant ce qu’il faut, bien entendu.
Ainsi, l’art de vivre se résume actuellement à l’acquisition des connaissances approfondies dans un secteur étroit de l’Ensemble — ce qui donne déjà accès à la fortune et aux honneurs, et, pour le reste — à l’utilisation habile du système des « boutons » répondant à tous nos besoins. Certes, il en allait ainsi au temps même des Grecs et des Romains, mais comme le monde antique ne connaissait pas la spécialisation à outrance, le secteur des « boutons » y était minime alors que celui des connaissances approfondies embrassait la quasi-totalité du Savoir de l’époque.
Le système de spécialisation qui, dans les études comme dans la réalisation n’est en fait qu’un partage judicieux du travail, a permis les merveilles du progrès. Mais, en contrepartie, il a déshabitué l’homme de penser en profondeur, sauf dans sa branche.
A son tour, cela conduisit à la formation déséquilibrée de l’homme d’élite contemporain: à côté de l’esprit critique très poussé, dans son subconscient se développa une crédulité insoupçonnée en ce qui déborde sa spécialité et les domaines avoisinants.
Cependant, l’étude de la Tradition ésotérique — et la conquête des objectifs qu’elle poursuit — exigent, de par leur nature, une prudente circonspection et surtout une pensée en profondeur. Rien ne peut y être obtenu en pressant des « boutons ». Au contraire, cette crédulité avec laquelle, par exemple, nous composons le numéro de téléphone étant sûrs d’avoir aussitôt notre correspondant au bout du fil, appliquée au études ésotériques, est grosse des pires dangers.
L’esprit critique, le discernement et le sain jugement du bon sens sont requis ici encore davantage que dans les études scientifiques positives. C’est parce que dans ces dernières, somme toute, le risque n’est pas grand. Il est limité par le simple insuccès, l’objet d’études étant toujours extérieur à l’étudiant. Par contre, dans les études ésotériques, l’étudiant et l’objet de ses études ne font plus qu’un. Alors que la philosophie positive étudie l’homme sous son aspect abstrait, la philosophie ésotérique étudie l’homme donné, notamment celui-là même qui aborde les études. La méthode de l’introspection pratiquée dans toutes les écoles ésotériques, ainsi que les exercices qui s’ensuivent portent immanquablement — et dès le début — une atteinte à la Personnalité de l’étudiant. Car c’est sur sa propre personnalité et non pas sur celle des autres ou sur des notions théoriques, qu’il est appelé à porter ses efforts — précisément en vue de sa transformation.(...)
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Ouspensky, Gurdjieff et les Fragments d'un Enseignement inconnu
Fragments d'un enseignement inconnu (2), j'éprouvai un sentiment mélangé. Autrefois, j'étais intime avec Ouspensky. Notre amitié avait pour base l'esprit de recherches qui nous animait tous le...