Nicolas Hulot a démissionné. Avec laquelle de ses voitures est-il parti ?
Je plaisante mais c'est une perte immense pour l'écologie.
Ce sont ses reportages aux quatre coins du monde qui m'ont convaincu de fermer l'eau du robinet pendant mon brossage de dents, qui m'ont fait prendre conscience qu'éteindre la lumière dans une pièce où je ne suis pas aide à lutter contre l'effet de serre et que trier entre plastiques et cartons est un acte citoyen qui contribue à protéger la couche d'ozone.
Seule ombre au tableau, et pas la moindre ; ma voiture diesel !
Alors qui d'autre pour le remplacer dans ce rôle d'éclaireur de conscience ?
Qui pour me guider, pour me donner bonne conscience ou me culpabiliser dans les non choix drastiques qui se posent à moi ?
Qui pour jouer à la figure morale indiscutable, qui pour la stature médiatique bien vendeuse, qui pour tenir l'image consensuelle dans le spectacle ? (J'apprends avec soulagement que nous avons échappé à la nomination de Cohn-bendit. Ce qui aurait pu être un symbole fort de la préservation des espèces en désignant un dinosaure.)
Je suis un peu ironique, mais une chose me saute aux yeux. Trier ses ordures, changer ses ampoules, réduire le débit de sa chasse d'eau, de même qu'acheter bio et local est certainement nécessaire mais très en deçà des enjeux écologiques auxquels nous sommes confrontés. Pour une raison évidente, l'écologie est en totale contradiction avec la politique capitaliste actuelle. Elle va contre les intérêts économiques et financiers de nos sociétés.
Quand à longueur de journée on nous inflige le taux de croissance du mois telle une boussole dont dépendrait notre survie, quand on fait du travail une divinité absolue, quand on cède au mythe de la croissance comme horizon indépassable, quand on fait de la consommation et du pouvoir d'achat les seuls facteurs d'émancipation, comment l'écologie peut-elle exister sinon comme faire valoir d'un système qui se recycle jusque dans ses contradictions ?
Il faudra bien me dire, à moi citoyen lambda qui consomme ce que son modeste budget autorise et qui suit les prescriptions de bon sens pour ne pas trop saloper l'environnement, au delà des constats sur la détérioration des ressources et de la biodiversité, quelles sont les conséquences concrètes dans mon quotidien d'une politique réellement écologique ?
A quoi dois-je m'attendre, à quelles concessions devrais-je me plier pour opérer le changement souhaitable ?
A mon niveau personnel, à part ne plus utiliser ma voiture, inenvisageable dans ma campagne, je ne vois pas trop.
Là est la difficulté, quelles sont les mesures qui doivent être prises et quel impact sur nos usages et comportement ? Probablement d'une telle ampleur que l'on hésite à les énumérer. Car l'on se heurte à une contradiction majeure, comment conserver mon train de vie sans rien perdre, sachant que celui-ci dépasse les ressources de la planète ?
Suis-je prêt à faire plus ? En l'état non.
Je ne vois pas d'alternative.
Vous avez raison monsieur Hulot de nous avertir des dangers à poursuivre dans cette direction, à nous prévenir des conséquences dramatiques et du sort funeste qui nous attend. Vous devriez aussi nous encourager par des propositions, nous engager dans des alternatives viables, nous entraîner dans une perspective joyeuse de transformation du monde.
Si vous ne le faites pas, peut-être mesurez-vous votre impuissance à mette en œuvre cette politique, peut-être êtes-vous un peu fataliste face à l'ampleur des enjeux, peut-être ne croyez-vous pas totalement à notre capacité de surmonter cette crise sans être totalement acculé au désastre ?
Peut-être êtes-vous comme moi, rivé à ma nature égoïste, qui a tellement peur de renoncer à ce qu'elle a qu'elle n'envisage que timidement le sursaut collectif qui seul pourrait donner sens et valeur à notre humanité.
Ce à quoi nous sommes conviés n'est rien moins qu'un changement de civilisation, un renversement des valeurs, une révolution anthropologique.
C'est d'une telle ampleur, tellement au-delà de la vision de mon ego, tellement abstrait que j'ai du mal à avoir confiance en l'avenir ; condition pourtant nécessaire à l'action.
Là est ma contradiction.
Quoi qu'il en soit vous avez eu raison de partir.
Moi-même.