Ce matin encore j'ai l'odeur des lacrymos dans les narines et la gueule de bois. Drôle de sentiment vu que je n'ai rien bu. Il y avait pourtant énormément de monde à Paris, de quoi être satisfait. Du monde certes, et c'est tant mieux, mais une ambiance frileuse en regard d'un instant qui se devait hystérique. Il manquait quelque chose, pour moi qui rêve romantiquement d'un grand soir, il manquait un ferment, un je ne sais quoi surréaliste qui donne le frisson et le tempo à l'histoire. Un truc dans l'air qui te transcende et te fait accéder à la joie pure de créer l'évènement. Du monde mais pas de détermination, pas de souffle qui t'emporte au-delà de la revendication catégorielle, somme toute assez secondaire, jusqu'à cette rive où tu ne récuse pas simplement une directive ou même un président, mais le système complet abhorré.
Peut-être ne sommes-nous pas sortis de la phase cathartique et n'entrevoyons pas encore l'action décisive ? Je ne sais pas.
Ce sentiment se renforce après les déclarations des syndicats qui se félicitent de l'ampleur de la mobilisation, et se voient ainsi revenir dans le jeu d'où ils avait été éjectés par les gilets jaunes, et pas mécontents de plastronner à nouveau. L'honneur est sauf, redoré par le premier ministre qui a salué la bonne tenue générale des manifestations nationales. Il n'est pas loin le moment où les deux vont se réconcilier en lâchant quelques miettes ici ou là pour se satisfaire mutuellement. A moins d'un évènement imprévu qui ne fasse dérailler la machine, à mon avis la grève ne va pas se prolonger au-delà de ce qui est annoncé. Les intérêts de part et d'autre ont trop à y gagner pour prendre le risque de l'enlisement. Je peux me tromper, voyons si les jours qui viennent vont me démentir.
Moi-même.