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Journal d’un Métaphysicien de passage.

Journal d’un Métaphysicien de passage.

Déambulations, soliloques, billevesées et autres histoires à dormir debout.


"Ce que nous voulons : économie et stratégie pour les temps de la fin." Starhawk.

Publié par konrad sur 14 Juillet 2020, 06:42am

Catégories : #Livres

Elena Chernyshova. Photographe.

Elena Chernyshova. Photographe.

   Que veut le mouvement pour la justice globale ? Quelle est notre vision, l'image que nous nous faisons d'une société et d'une économie idéales ? Lorsque nous affirmons "Un autre monde est possible", de quel type de monde parlons-nous ?

   Le mouvement pour la justice globale est divers. Il va des dirigeants syndicaux qui désirent assurer à leurs membres une part équitable des richesses produites, aux marxistes de la vieille école, aux anarchistes et aux peuples autochtones qui luttent pour la préservation de leur terres et de leurs cultures. Aucune image unique du monde ne peut satisfaire en même temps tous les points de vue différents. Aucune vision unique ne peut être véritablement utile à cette immense diversité. Et comment le pourrait-elle ? Comment les aspirations d'un.e employé.e de bureau à Chicago pourraient-elles être les mêmes que celle d'un.e paysan.ne maya du Chiapas ? Pourquoi devrions-nous penser qu'une forme d'économie ou d'organisation sociale devrait convenir à tou.te.s ?

   Pourtant il y a certains thèmes communs, certains principes de fond, certains impératifs qui, je crois, sont largement partagés au sein du mouvement. Je définirai ce sol commun par neuf principes. Pour certaines composantes du mouvement ces principes n'iront pas assez loin ; elles envisagent une société transformée de manière beaucoup plus profonde. Je ne tente pas ici de définir un idéal ultime mais d'énoncer ce qui me parait les points d'accord minimaux au sein de l'ensemble du mouvement pour la justice globale.

1. Nous devons protéger la viabilité des systèmes qui entretiennent la vie sur la planète et qui sont partout attaqués.

   Le système capitaliste global actuel est insoutenable. Il se base sur une hypothèse de croissance sans fin dans un monde aux ressources finies. Il produit une quantité énorme de déchets, de pollution et de toxiques, et compte sur les ressources communes que sont l'air, l'eau et la terre pour les absorber. En d'autres termes, il externalise ses coûts véritables, qu'il fait payer aux vivant.e.s qui souffrent de ses impacts.

   Un système d'abondance durable implique que les coûts sociaux et écologiques de chaque produit soient pris en compte et non pas externalisés. Notre première priorité est de mettre fin à la pollution à la source et non de l'atténuer ou l'épurer. Il nous faut dans l'immédiat engager une transition vers le développement et l'usage de ressources et de sources d’énergies renouvelables et propres. Il nous faut protéger la biodiversité, les habitats et la diversité des écosystèmes. Il nous faut refuser des expérimentations potentiellement désastreuses comme l'introduction d'organismes génétiquement modifiés. Il nous faut réduire de manière drastique les émissions de carbone et tenter de prévenir le réchauffement climatique. Il nous faut interdire les armes nucléaires.

   Ces idées peuvent paraitre impraticables ou utopiques mais la technologie qui permettrait de les réaliser existe déjà ou est en cours de développement.

2. Il existe un domaine du sacré, des choses trop précieuses pour être transformées en marchandises et qui doivent être respectées.

   Le "sacré" peut désigner des lieux qui ont une signification spéciale pour les autochtones ou pour des collectivités locales : des écosystèmes telles les forêts anciennes si belles et irremplaçables que leur exploitation est une profanation ; des aspects de la culture et de l'héritage humain qui sont d'une importance cruciale pour une société ; des ressources vitales, telle l'eau dont nous avons tou.te.s besoin pour survivre. Ce principe implique qu'il devrait y avoir une limite au commerce, quelle que soit la manière dont il est organisé, que Jésus n'avait pas tort lorsqu’il chassa les marchands du temple, qu'un espace culturel et social doit être préservé du marché, quel que soit le fonctionnement de celui-ci.

3. Les communautés doivent contrôler leurs propres ressources et leurs destinées.

   Tant les ressources naturelles qu'humaines sont mieux protégées et distribuées par les communautés où elles sont situées. La propriété et l'exploitation à distance ne mènent pas à un partage équitable des richesses. Les communautés ne peuvent connaitre la sécurité que si elles gèrent elles-mêmes leurs propres sources de nourriture, d'eau et d'énergie, ainsi que tout ce qui est essentiel à la vie. Des institutions extérieures comme le FMI et les accords de commerce mondiaux ne devraient pas avoir le droit de dicter des politiques qui bafouent les décisions démocratiques prises par les communautés.

   Certes, toutes les communautés ne sont pas éclairées, et des communautés locales peuvent exploiter leurs propres ressources de façon destructrice. Mais les communautés ont un intérêt direct dans la santé à long terme de leur environnement et la pérennité de leurs ressources. Des négociations complexes entres les besoins et les droits des individus, des communautés et de la société au sens large, seront toujours nécessaires au sein d'un système qui reconnait tous les niveaux de droits. Si ce principe était appliqué dans le cadre général défini par les neufs principes, les abus seraient limités.

4. Les droits et les héritages des communautés autochtones doivent être reconnus et respectés.

   Les communautés autochtones sont des nations et ont un droit de souveraineté sur leurs terres ainsi que le droit de protéger leurs cultures et leurs tradition. Les accords inter-"nationaux" doivent inclure la voix des peuples autochtones ; ils doivent être mis sur un pied d'égalité avec les autres nations.

5. Les entreprises doivent être enracinées dans les communautés et être responsable envers elles ainsi qu'envers les générations futures.

   Le but d'une entreprise, quel que soit son mode d'organisation et d'administration, doit être de servir une communauté. Le business et les entreprises ont besoin d'une communauté spécifique à laquelle elles doivent rendre des comptes ainsi qu'un lieu où elles soient enracinées. Elles ne doivent pas avoir le globe pour terrain de chasse, à la poursuite du coût du travail le plus bas et des règles de sécurité les plus flexibles. Les comptes à rendre s'étendent aux générations futures : les entreprises ne peuvent liquider leurs actifs, couper à blanc les forêts, exploiter leurs mines, épuiser les ressources du sol pour satisfaire un besoin de profit à court terme. Elles sont parties prenantes et responsables d'une écologie économique qui doit se maintenir dans un futur à long terme.

6. Les possibilités et le soutien dont on besoin les humain.e.s pour satisfaire leurs besoins mais aussi réaliser leurs rêves et leurs aspirations devraient être accessibles à tou.te.s.

   Toutes les formes de discrimination, tous les faux privilèges basés sur le genre, la race, la classe, le mérite, le lieu d'origine, l'orientation sexuelle, etc., doivent être abolis. Ce principe est la voie directe vers un monde plus riche puisque nous n'étoufferions plus la créativité et l'originalité d'une grande partie du genre humain.

7. Le travail mérite une compensation juste, la sécurité et la dignité.

   Les personnes qui travaillent méritent d'être payées suffisamment pour vivre dignement, de jouir de conditions de travail saines, d'avoir le maximum de contrôle sur leur vie professionnelle, d'être traitées avec respect, de bénéficier d'une sécurité d'emploi et d'une couverture sociale en cas de maladie ou d'accident. La mise au travail d'enfants, d’esclaves ou de prisonnier.e.s tout comme des niveaux de salaires inférieurs au coût de la vie sont inacceptables.

8. La communauté humaine porte la responsabilité collective d'assurer à tou.te.s ses membres les moyens de base qui permettent de vivre, de grandir et de se développer.

   En tant que communauté nous sommes responsables les un.e.s des autres. Nous pouvons tou.te.s, à un moment ou un autre, être affecté.e.s par la maladie, un accident physique, un effondrement émotionnel ou par la pure et simple malchance. Nous devons nous aider les un.e.s les autres à supporter nos tourments et à faire face aux épisodes douloureux de la vie. Et nous devons le faire avec délicatesse, non par charité mais sur le mode de la solidarité. Nous devons respecter celles et ceux qui ont besoin d'aide, leur reconnaitre le pouvoir de faire leurs propres choix. Un système de santé publique solide fait partie de la sécurité de base. L'éducation, qui détermine le degré de lucidité de celles et ceux qui, en tant que citoyen.ne.s, mettront un jour des lois en œuvre et éliront des représentant.e.s, doit être une affaire publique. Une communauté est comme un organisme : pour que n'importe lequel de ses composants fonctionne bien, sa santé et son fonctionnement d’ensemble doivent être assurés.

9. La démocratie signifie que les gens doivent avoir une voix dans les décisions qui les affectent, y compris les décisions économiques.

   Dans une démocratie représentative, notre voix porte sur le choix de celles et ceux qui prendront les décisions à notre place. Dans une démocratie directe, notre voix participe aux décisions elles-mêmes. Bien sûr, à l'échelle d'une nation comme les États-Unis, une démocratie directe pure serait impraticable. Mais ce principe implique que nous tentions de nous organiser à d'autres échelles de façon à ce que les gens puissent avoir une voix dans de nombreuses décisions qui affectent leur vie et que nous étendions le principe de la démocratie à certains domaines où elle n'a pas cours aujourd'hui. La plupart des entreprises sont actuellement organisées selon un modèle vertical. Des entreprises démocratiques encourageraient  des apports provenant de tous les niveaux et favoriseraient l'autogestion, la propriété partagée et la participation de la communauté.

Visions économiques divergentes.

   Je pense que le mouvement pour la justice globale est largement d'accord avec ce aue je viens de décrire. Cependant, le diable est dans les détails. Nous aurons sans aucun doute bine des désaccords au sujet de la meilleure manière de mettre en oeuvre ces principes et de ce que serait un système idéal. [...]

 

Starhawk. Quel monde voulons-nous ?. Éditions Cambourakis.

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