J'ai trouvé un petit boulot temporaire de manœuvre à étaler de la résine sur des murs de béton pour une grosse boite de confiture.
Le travail est dur, poussiéreux, éreintant.
Mon corps se couvre de courbatures, réduit à ses fonctions élémentaires, se laver, manger, dormir…
Ma tête déshéritée de toute pensée tourne en mode automatique.
Nous sommes quatre à travailler sur ce chantier.
Je suis nouveau dans l'équipe et j'ai beau arriver de nulle part on ne s'enquiert que de mon prénom.
J'avais déjà constaté dans d'autres circonstances et milieux le manque de curiosité des gens. Là il me saute aux yeux avec force. Personne ne fait attention à l'autre. Même entre eux qui semblent se connaître, ils ignorent tout des questions que je leur pose sur leurs compagnons.
Comment peut-on vivre sans cette curiosité de l'autre ? Comment comprendre si l'on ne va pas au-delà des convenances et des préjugés ?
Quand on ose interroger on ouvre des portes d'où sortent un flot de reconnaissance. Les individus se livrent et se racontent. Ils existent ! Pas seulement comme des objets à qui on attribue une fonction mais comme des sujets dotés de personnalité.
O miracle, nous sommes irrigués de vie dans un humus commun. Derrière l'apparente différence sourd des connivences, des traces reconnaissables d'une humanité qui persiste telle une braise sous la couche de cendres de nos préoccupations mortifères.