En regardant les images d'archives d'une ville détruite lors de la deuxième guerre mondiale je suis pris d'une étrange impression. Filmé de haut en plan large la ville en ruine ne donne à voir que les ravages de la guerre. Pas un immeuble debout, pas un quartier épargné, pas une maison intacte. Ce n'est qu'enchevêtrement de décombres, amoncellement de pierres, édifices décharnés et fantomatiques. Rien n'a résisté sous l'avalanche inimaginable des bombes, tout a été rasé sous le poids stupéfiant des obus.
Est-ce l'effet du noir et blanc, le fait qu'il n'y ait aucune âme humaine ou que le silence accompagne le lent déplacement de la caméra, ces images me fascinent. Quelque chose en moi éprouve la puissante attraction de la destruction. Je suis saisis par l'idée que cette terrible annihilation exerce sur moi une telle impression de froide contemplation. Ce n'est pas l'horreur ou l'effroi qui domine mais l’enivrante « beauté » de la destruction. Aurais-je réveillé un démon malfaisant qui sommeille en moi ? Ressuscité un vieux goût de la mort tapit dans quelque recoin de ma psyché ?
Il y a un pouvoir démiurgique à l’œuvre dans l'acte d'effacer d'un trait ce qui a été construit. Acte vengeur de la créature face à la création, reniement ultime du « créateur » ?
Je comprends que l'on puisse céder face à un tel pouvoir. Je ne sais comment s'en garantir. Sinon en exerçant sa lucidité et en développant le potentiel d'amour qui nous lie à tout et à tous.