Il est temps de mettre cette histoire par écrit, certains faits s’estompent de ma mémoire et l’ensemble de mes notes se sont évaporés dans mes multiples déménagements.
Il y a plus de trente ans, un groupe de recherche auquel j’étais associé, avait pour symbole l’Étoile Internelle.
Ce symbole était représenté par une boule à facette, tel un cristal, entouré d’un halo de rayons.
Je ne savais rien de son origine ni de sa généalogie, si ce n’est que l’Internelle représente la dimension vibrale intérieure à toute manifestation.
Conscience Absolue au sein de l’Énergie Pure.
Ce jour-là, dans la petite bibliothèque de quartier que je fréquentais dans le 11eme arrondissement de Paris, je tombais sur un livre qui allait me faire plonger dans une enquête passionnante.
Il s’agissait d’un livre collégial sur le moyen-âge, et sur l’un des articles je découvris avec ébahissement les mots estoile internelle.
Ces mots jaillirent à mon regard et me plongèrent dans une telle stupeur, un tel état d’excitabilité que je mis du temps à m'en remettre.
Que venaient faire cette estoile internelle surgie d’un autre âge qui se télescopait avec l’histoire contemporaine ? Y avait-il un lien secret que j’ignorais ? Une filiation inconnue entre les deux organisations qui traversait le temps ? Quel était-il ? Ou bien n’était-ce qu’une facétie du hasard ?
Poursuivant la lecture de l’article j’appris que l’estoile internelle était une société secrète constituée de 12 membres et autour de ceux-ci un groupe plus important appelé le Paraclet.
D’inspiration chrétienne cet ordre n’avait que ce nom en commun, mais au combien troublant, avec le groupe auquel j’appartenais.
J’entamais alors une recherche, avec le peu d’éléments dont je disposais, qui me conduisit dans les temples du savoir de la capitale.
Internet n’existant pas encore à l’époque, c’est ainsi que je visitais la bibliothèque Mazarine, la bibliothèque Sainte-Geneviève, la BNF, Beaubourg. . .
Passant de l’une à l’autre selon de mystérieuses combinaisons, je parcourais Paris avec ferveur, investi d'un esprit de mission.
Muni d’un appétit curieux pour les arcanes, j’arpentais les rayons avec la candeur des découvreurs.
Tous ces temples me livraient leurs secrets et leurs savoirs dans d’augustes décors plein d’un silence propice à l’étude et à la contemplation.
Absorbé par mes lectures j’étais plongé dans une sorte d’atemporalité dont mes contemporains n’étaient que des figures improbables, fantômes d’une autre réalité.
Les index me renvoyaient sur d’autres pistes, d’autres auteurs, tissant un épais canevas de liens qui loin d’éclaircir mon sujet m’emportaient dans un dédalle de conjectures.
Quelques noms ressortaient, Charbonneau-Lassay, René Guénon, Jean Tourniac, quelques loges franc-maçonnes et travaux alchimiques. . .
Je survolais, plus que ne lisais réellement, tentant de dénicher le précieux indice qui me ferait aboutir sur un terrain sûr, une piste certaine, mais en vain.
Cela devenait une errance hypnotique parmi ces livres qui chacun, tels des sirènes, me conviaient à leur lecture.
C’est alors que j’eux l’idée de revenir au premier ouvrage, celui qui m’avait mis sur la voie, suivant en cela un proverbe arabe qui dit : " Si tu ne sais pas où tu vas retourne d’où tu viens. "
Au nom de l’auteur était associé l’université dans laquelle il enseignait ; Caen.
Décidé à lui demander directement les sources de l’estoile internelle, je téléphonais à l’université.
On m’apprit qu’il était à la retraite mais on voulu bien me communiquer son adresse.
Aussitôt je lui écrivis une lettre en lui expliquant ma requête.
Quelques jours plus tard je reçus une lettre polie me remerciant de mon intérêt porté à ce sujet.
Le professeur m’expliqua que ce groupe ésotérique avait été fondé au XVeme siècle en Avignon au moment où la papauté s’établi en cette ville lors du schisme.
Il admit, mais je suspectais une réticence de sa part à me livrer ses sources, ne pas savoir ce qu’il advenait de ce groupe aujourd’hui mais me confia qu’un témoin en faisait une constante référence dans ses ouvrages sans jamais citer nommément l’estoile internelle ; l’abbé Henri Stéphane.
La lettre se terminait sans me laisser espérer un quelconque prolongement.
Je me procurais les deux livres de l’abbé Stéphane : Introduction à l’ésotérisme chrétien.
Ce furent mes dernières lectures, il me sembla que j’étais arrivé au terme de mon entreprise.
Je n’appris rien de plus sur le sujet et décidais de clore mon enquête.
Le mystère demeure à propos de l’estoile internelle.
Comment ce nom a-t-il pu traverser le temps et désigner deux réalités différentes ?
Peut-être pas si différentes que cela après tout.
Je n’ai pas interrogé mes contemporains sur cette histoire.
Elle reste assurément une belle aventure, c’est peut-être l’essentiel, en partie enchâssée dans le secret et dans le sacré.