Nous étions assis en cercle, méditant dans un silence parfait.
Concentrés, fermement établis dans cet état, rien ne se passait.
Immobiles, le corps absorbé dans la contemplation, il n’y avait plus rien.
Le temps, l’espace, semblaient abolis, déplacés plutôt dans un autre continuum, où leurs cours s’écoulaient différemment.
Je sentis que ma conscience se déplaçait sur un autre moi-même juste un peu au dessus de mon corps.
Dans un autre corps, moins dense, moins compact, sereinement plongé dans la méditation.
J’eus conscience de cette réalité, sans surprise.
J’étais à la fois présent dans mon corps et en même temps dans un autre corps au dessus de moi.
Je n’étais pas troublé, ou étonné, je n’eus même aucune réaction juste cette évidence, j’avais conscience d’être dans deux corps à la fois.
A un moment donné, je ressenti de l’ankylose dans une jambe.
J’esquissais un geste lent presque sans bouger pour dégager ma jambe, afin de ne pas rompre de quelque façon que ce soit l’intensité de la concentration.
Ce geste minimal, quasiment imperceptible, retenti comme un fracas assourdissant dans mon autre corps.
L’impression qu’un coup de tonnerre d’une brutalité extraordinaire avait explosé dans le plan de cet autre corps, le faisant fuir sur le champ.
Cela eut pour effet immédiat que ma conscience réintégra mon corps et me fis perdre le contact avec l’autre.
J’étais revenu à ma conscience de veille, comme sortant d’un rêve éveillé.
Je regardais discrètement autour de moi pour voir si ce tintamarre avait perturbé quelqu’un mais personne ne semblait avoir remarqué quoi que ce soit.