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Journal d’un Métaphysicien de passage.

Journal d’un Métaphysicien de passage.

Déambulations, soliloques, billevesées et autres histoires à dormir debout.


"Un recul sans distance."

Publié par konrad sur 27 Décembre 2020, 08:37am

Catégories : #Eveil

Artur Abagyan. Peintre.

Artur Abagyan. Peintre.

[...] C'est le propre de tous nos états d'âme surtout quand ils sont négatifs ; nous attirer en leur propre sein et nous réduire à eux. L'homme qui a peur est sa peur, il est devenu sa peur. Il sait bien intellectuellement qu'il a un pied dehors mais cela reste très théorique, en fait il se sent entièrement enfermé dans les contours de sa peur.

 Dans cette situation, on fait ce que l'on peut avec les armes dont on dispose. Une des armes dont nous disposons, c'est celle de l'introspection, c'est à dire l'auto-observation : on essaie de mettre une distance entre soi-même et sa peur. On ne peut pas vraiment faire le reproche à un esprit d'opérer ainsi, il faut qu'il se sauve. Simplement là, nous sommes dans l'auto-observation, nous ne sommes pas dans la conscience. Entre l'auto-observation et la conscience, il y a une différence qui existe comme entre la nuit et le jour. La seule faculté dont nous disposons pour opérer ce recul sans distance c'est la conscience, c'est l'acte de conscience ou l'acte d'attention de la conscience. L'auto-observation s'inscrit dans le jeu de ce que l'on appelle généralement la pensée. C'est une arme qui n'est pas négligeable, elle peut produire des effets momentanés mais en vérité plus on va creuser la distance entre ce moi observateur et cette chose observée, plus on va donner de consistance à la peur. Cela peut donc produire un allègement momentané mais il y a le retour de flamme.

 Si on prend ce moment où un homme éprouve un sentiment négatif douloureux - appelons-le la peur - et à cette impression très pénible d'être réduit, collé à sa peur, dans le fond sa peur le prive du contact authentique avec lui-même. On lui vole son âme. Considérons cette situation. Cet homme essaye d'établir une distance, de se distancier de sa peur et il pratique l'auto-observation. En amont de ce moi observateur, juste derrière ce moi observateur, il y a notre moi véritable, cet acte de conscience. Pour sortir définitivement de ce système, pour crever, défoncer une fois pour toutes ce paquet de déterminations que nous sommes (ce serait peut-être cela le mérite de l'auto-observation : pousser, outrer les traits de l'illusion de telle façon qu'on puisse la transpercer), eh bien, il faudrait avoir l'intuition qu'en amont, immédiatement derrière cet acte d'auto-observation, il y a cet acte de conscience ! Si on pouvait en avoir le moindre pressentiment, tout volerait en éclat immédiatement !

 La peur disparaitrait. Et moi-même en tant qu'ayant peur, je disparaitrais aussi. Après cela, je pourrais renaitre mais ma peur serait de nature ludique et moi-même ayant peur serait comparable au héros d'un roman. Tout serait redevenu fluide. Seulement, dans un premier temps, il faut brûler le livre. Après cela, quand il a avoué sa nature de livre, quand le roman a avoué sa nature romanesque et littéraire, à ce moment-là on peut le rouvrir. Mais tant que le livre prétend être la réalité, il faut le casser. Alors la peur disparait, le sujet de la peur disparait.

 Mais attention, le but de l'opération, ce n'est pas de faire disparaitre la peur. On n'en à rien à faire de faire disparaitre la peur, cela n'a aucune espèce d'importance. Ce dont je parle n'est pas du tout un mieux-être. Je me moque complètement du mieux-être. Que tu te portes psychologiquement bien ou mal, je n'en ai absolument rien à faire, cela ne m'intéresse pas du tout. Je ne suis pas un psychothérapeute. Je n'ai aucun mépris pour les psychothérapeutes, aucun mépris pour les médecins, mais je n'entends pas, au moins momentanément, fonctionner comme un médecin mais plutôt comme un prêtre. Mon ambition c'est de te faire passer le col."

 

Stephen Jourdain. Le miracle d'être. Editions L'Originel.

 

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O
Très beau texte à méditer en ces temps troublés...
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