(Claire Takacs.
Photographe.
Kenrokuen gardens, Kanazawa, Japan)
Il est probable que chacun a eu ce type d’expérience ; par exemple l’on pense inopinément à une personne et celle-ci nous contacte quelques minutes après.
Ou bien, et c’est plus rare, l’on effectue un geste incompréhensible tandis qu’au même instant un proche a chuté accidentellement.
Et nombre d’évènements de même nature.
La vie est émaillée de ces curieuses coïncidences auxquelles parfois nous ne prêtons guère attention.
C’est que pour surprenantes qu’elles soient nous les affligeons instantanément d’une explication, de peur qu’une braise n’enflamme notre raison.
Nous étouffons par toutes sortes d’arguments, plus ou moins rationnels, l’étonnement qui surgit, de crainte que celui-ci ne nous laisse "sans voie", sans justification.
Alors nous arrimons le sens par des liens qui nous rassurent.
Nous faisons intervenir une cause, bien souvent étrangère à la nature même de l’évènement, une interprétation qui trahit l’émergence du sens.
Et déjà notre regard se voile tandis que l’innocence s’efface.
Il suffirait de laisser intacte la virginité des faits, sans leur présumer une quelconque direction.
Assister, sans vouloir faire advenir (ce qui aurait pour effet de chasser irrémédiablement toute pertinence), à l’apparition spontanée de ce qui est.
Car tout est là, contenu dans ce qui apparait, pour peu qu’on le laisse libre, le principe même de toutes choses.
Il y a là un mystère, auquel il convient de garder son énigme.
Ce qu’il dit doit rester à sa discrétion, et c’est là toute sa beauté.
A mesure qu’il se déploie dans le silence de nos pensées, notre intimité se remplie d’un sens tout personnel.
Un sens qui n’a de sens que pour soi.
Qui ne veut rien dire en même temps qu’il éclaire d’évidence les liens invisibles qui tissent l’existence.
La vie se manifeste dans les formes de sa nature et lorsqu’elle apparait au cours ces instants fugaces dans sa dimension subtile, elle laisse dans nos âmes l’émerveillement de sa prodigalité.