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Journal d’un Métaphysicien de passage.

Journal d’un Métaphysicien de passage.

Déambulations, soliloques, billevesées et autres histoires à dormir debout.


Asthénie mélancolique.

Publié par konrad sur 28 Décembre 2018, 14:52pm

Catégories : #Ma prose en 2018

Iwona Czubek. Photographe.

Iwona Czubek. Photographe.

Lorsque Nardok se regarda dans la glace il eut le sentiment de ne pas se reconnaître. Quelque chose avait changé, mais quoi ? Il se regarda d'un peu plus près et s'examina. Étaient-ce ses cheveux plus blancs, des rides plus profondes au coin des lèvres, ses dents jaunies ? Il ne savait mais l'intuition demeurait.

 

Machinalement il consulta les archives mémorielles stockées dans le computer informationnel cervical pour se rassurer.

Le data base afficha les fichiers : Enfance, adolescence, adulte ; implémentation réussie aucune modification depuis l'origine.

Les souvenirs étaient tels qu'il les avait en mémoire. Il regarda distraitement les arborescences qui tissaient un entrelacs ressemblant à des mycorhizes de mycélium. Le réseau de lignes luminescentes n'affichait aucun bug. Rien d'anormal, les nœuds directionnels n'émettaient aucun signal de défection. Tout cela ne l'étonna guère, il vivait par procuration depuis si longtemps.

Il décida de vérifier son quotient de normalité, chose qu'il faisait rarement car il se doutait du résultat.

L'algorithme afficha instantanément l'évaluation prédictive.

Vie professionnelle – Lumpenprolétariat. Classe LAB, Niveau 2.

Vie sociale – Isolat systémique, P4, gradation DEP.

Vie sentimentale - Affect non indexé. Relation atone. Incrément 0.

Vie sexuelle - Onaniste pulsionnel. Récurrence BRL 22.

Tout le reste ; ambition, projet, désir… défila en long tableau fastidieux dont aucun chiffre ne dépassait 5. Autant dire lamentable. D'ailleurs le quotient final s'alluma en clignotant comme une alerte. Il était dans le rouge.

 

Il coupa le signal, se rendit dans le salon et s'ouvrit une bière en s'installant dans le fauteuil.

Il laissa les pensées s'écouler au rythme des gorgées rafraîchissantes.

Une douce mélancolie l'envahi. Des fragments de vie refaisaient surface, éclataient en images colorées et s'évanouissaient aussitôt. La rêverie dura le temps de l'ivresse. Le constat, amer, se rappela à lui. Quelle vie de merde ! Pas grand-chose à en tirer. Malgré tout il n'arrivait pas à être triste.

S'il n'avait pas réussi sa vie, il sut dans une claire évidence et une certitude absolue qu'il ne raterait pas sa mort. Cette pensée prit sens et s'affirma comme une raison valable de vivre. Cette mort qu'il avait de si nombreuses fois désirée, si ardemment suppliée dans ses colères il ne la voulait plus par refus mais par acceptation.

Il ne voulait pas d'une mort hâtive ou précipitée, d'une mort anonyme et impersonnelle. Non, une mort bien à lui. La sienne qu'il saurait bien reconnaître car l'amour ne trompe pas.

Une telle mort ne s'improvise pas. Il faut la mûrir, la choyer comme le parachèvement d'une œuvre. Lui donner de la beauté.

Il ralluma le computer et réinitialisa le programme avec ses nouvelles données.

Quelques secondes suffirent pour que le rouge cessa de clignoter et devint blanc.

Il sourit, il sut qu'il avait raison.

 

Moi-même.

 

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O
Très Belle Nouvelle ! Joyeuses Fêtes quand-même ;-)
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K
Début de la sagesse ??<br /> Bonnes fêtes aussi.<br /> Merci.

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