Rien n’a changé, tout est resté en place dans le silence immobile.
Seule une odeur de renfermé laisse deviner l’absence.
Je retrouve ce lieu familier comme s’il ne s’était rien passé.
S’est-il passé quelque chose d’ailleurs ?
A revoir les gens et les choses dans leur identique posture la question est légitime.
Pourtant les images, encore fraiches et vivaces, affleurent à la surface de la mémoire, et puis les photos, preuves incontestables viennent confirmer notre voyage.
Notre itinéraire nous a conduits dans la forêt enchantée de Brocéliande.
La magie de ce lieu opère subtilement.
Au gré de la déambulation on se trouve plongé dans une ambiance hors du temps.
Ce ne sont pas les quelques pierres éparpillées du tombeau de Merlin ou les maigres traces de la maison de Viviane qui agissent de la sorte, c’est la forêt elle-même qui tisse le long des étangs, des ruisseaux et des frondaisons son mystère et sa légende.
Ce sanctuaire abrite une énigme dont chaque visiteur ressent la présence.
Chacun l’habillant de formes particulières selon l’étendue de son imaginaire mais tous respectueux de sa beauté.
Nous poursuivons sur Huelgoat où les curiosités du paysage montrent qu’ici la terre a du caractère.
Elle ne craint pas d’être prodigue ici et parcimonieuse aux monts d’Arrée.
Là dans ce grand silence seul parle le vent.
Il règne en maitre et la bruyère qui habite ce lieu fait profil bas.
Plus au nord ouest nous atteignons le Finistère, notre halte pour un séjour sur la cote d’Iroise.
Vue sur la mer de notre petite caravane louée pour la circonstance, nous goutons à la joie simple et paisible d’être là.
D’emblée la mer nous rappelle à sa force, elle a dessiné la côte d’un trait impétueux et roulé sur la plage de gros rochers ronds.
Ses marrées ravivent l’air de parfums d’iode et de goémon.
Avec le vent, jamais très loin, cette liberté de la nature témoigne de la puissance des forces telluriques à l’œuvre.
Que de promenades le long du littoral, que de perspectives différentes selon la marrée, que de plages intimes se découvrant dans les entrelacs de roches et de sable blanc.
Parfois la mer alanguie laisse ses charmes affleurer et se pare de couleurs dégradées de bleue et de turquoise.
Le ciel, tout aussi majestueux et frivole, rivalise d’effets sur le terrain de l’ornement.
Mais c’est le vent qui tel un artiste inspiré balaie, efface et recompose ce tableau vivant.
Il joue de la lumière et fait apparaitre dans la clarté de ses desseins des formes inédites.
Tout participe à l’émerveillement.
Ici plus qu’ailleurs les hommes ont mesuré leurs forces face aux éléments.
Les pierres levées, souvent énormes et gigantesques témoignent de l’appétit de l’homme à se dépasser.
Sentinelles dressées face à l’océan que gardent-elles, que regardent-elles ?
Nous les contemplons sans bien comprendre leur signification, mais elles nous offrent en retour cette part du rêve qui nous habite.
Après avoir sillonné les abers, s’être rassasié de beautés naturelles et vivifiantes, nous repartons plus au sud.
Cap sur les landes.
Sur le trajet, une nuit au camping dans la belle ville Saint-Jean d’Angély qui se rappela à moi lors de mon chemin de Saint-Jacques.
Les landes c’est un autre visage de la France.
Ici l’espace semble être inépuisable.
Les villages prennent leur aise et s’étirent en lambeaux de maisons disséminées.
Le pin souligne le paysage de traits rectilignes.
Ajoutez les criquets, la plage derrière la dune et vous voici plongé dans l’ambiance des vacances.
C’est ce que viennent chercher les millions de touristes sur ce littoral.
Ils s’y pressent en grappes dans les campings et le long de l’immense plage.
Ici la mer a moins de fantaisie qu’en Bretagne, elle se contente de s’abattre en gros rouleaux sur la plage ce qui fait la joie des baigneurs et des surfeurs.
Quelques minutes dans ce tambour et vous voilà lessivé pour la journée.
Des landes nous repartons pour Padirac en longeant la vallée de la Dordogne et ses villages typiques et ses magnifiques châteaux.
Que d’histoire a parsemé l’homme dans ces constructions.
Que d’audace aussi pour élever pareilles forteresses dans ces lieux inaccessibles.
Au regard de ce que nous construisons aujourd’hui on ne peut que constater le déficit d’esthétique qui nous accable.
Le beau nous a-t-il abandonné sur le chemin du productivisme ?
Sur le plateau du Quercy notre voyage touche à sa fin.
Les yeux et la tête pleine de belles choses.
Souvenir de gens rencontrés, chacun vivant son histoire particulière mais tous participants d’une humanité en devenir.