(Photo perso)
" Que nul n’entre ici s’il n’a point la Mère-veille. "
Je vérifie une dernière fois les coordonnées spatio-temporelles du vaisseau, pas d’erreur possible (il n’en fait jamais) c’est bien ici dans cette zone de la galaxie que je dois récupérer un foutu système déconnecté.
Le secteur est plutôt gravitationnel, il forme une sorte de vortex qui aspire et courbe l’énergie comme les aurores boréales me renseigne le vaisseau.
Quelles autres informations ?
Il y a 18.000 ans de terribles conflits se sont déroulés dans cette zone entrainant des chutes et des ruptures dans le champ de la trame universelle.
Il y a urgence de cautériser et ressouder les lignes de force afin d’assurer la continuité des échanges interdimensionnels.
Je dois me rendre au plus près.
J’approche doucement, la planète est violente, je capte les émissions des plans telluriques, ça éructe fort de tous cotés.
Pas le genre de coin pour une villégiature.
Etrangement l’endroit où le vaisseau me dépose comme étant le lieu exact de la récupération, possède une aura particulière qui semble le mettre à l’abri des charges trop lourdes qui règnent alentour.
C’est une vaste forêt qui recèle une magie ancestrale dont je perçois la lumineuse pulsation.
A mesure que je progresse vers le lieu de rendez-vous je ressens de subtiles modifications de l’environnement.
Mon corps éthérique se densifie imperceptiblement, les échanges moléculaires se ralentissent tandis que se forme en surface de celui-ci une sorte de fine membrane.
Je note aussi que la liaison télépathique avec mon vaisseau s’estompe tout aussi sensiblement.
Est-ce un effet de la gravité ?
Les efforts que je dois fournir me paraissent incongrus et surtout inquiétants car tout se ramenuise, se rapetisse dans une part ténue de mon être.
Le lieu est magnifique, les essences végétales des plus remarquables, j’entends encore dans les frondaisons le murmure d’un lointain passé.
Des noms, des images, des aventures font irruption dans ma mémoire telle une source qui jaillit de terre.
Merlin, Arthur, Viviane, la table ronde. . . étranges noms qui résonnent et ravivent des souvenirs.
Quel étrange phénomène.
Je sens bien que la densification de mon corps est la condition même de la résurgence de ce passé, lequel je le saisis ne m’est pas étranger.
Mais cela ne se fait pas sans que je perde inexorablement le souvenir de ma mission.
Je dois faire vite et trouver rapidement ce que je suis venu chercher avant de perdre définitivement tout contact avec la source tant les forces compactes sont lourdes à déplacer.
Elles enserrent les êtres d’un puissant sortilège qui les fait errer dans les impédimentas des circumambulations terrestres.
On croirait être prit dans une toile d’araignée.
A l’instant où j’ai cette pensée, surgit brusquement dans mon esprit la figure de Merlin pointant de son Abacus une direction.
Là, devant moi à quelques pas, majestueux et solennel, se tient dans une hiératique attitude celui que je suis venu trouver.
Je m’incline respectueusement en un geste naturel que je sais être d’essence chevaleresque.
Je m’approche et l’enserre dans mes bras comme un ami de longue date.
L’accolade dure, puis se déverse dans mon âme en un flot continu toute l’histoire des siècles passés.
Le vieil arbre impassible me raconte sa longue et patiente existence.
Toutes celles et ceux qu’il a vu, du plus commun au plus prestigieux, tout ce qu’il a enregistré dans ses racines et ses branches au cours de son immobile présence.
Se récapitule en un instant tous les éléments de la trame, et se réintègre une pièce manquante du puzzle.
Instantanément la reconnexion entre tous les véhicules formels et subtils se réalise en une vibrante synthèse.
Je suis de nouveau intégré dans mon vaisseau, flottant dans l’éther galactique en queste d’une nouvelle figure à réinsérer.