J'aime être là où les extrêmes se rencontrent, là où les complémentaires, pour ne pas dire les contraires, entrent en jeu : terre et eau, mâle et femelle, orient et Occident... Là où les lignes se brisent, où des sinuosités se déroulent et s'entremêlent, où l'expérience physique atteint un tel degré de densité et d'intensité qu'on peut presque l'appeler "métaphysique".
La lune était enfouie dans les nuages avec un halo bleu et bronze. Un vent soufflait, mais il était chaud, et j'avais un lit de sable chaud. J'ai passé trois heures peut-être à aimer cette plage : à aimer le sable, les vagues, le vent, les nuages, la lune, en une longue séance secrète.
Lorsque enfin je m'endormis, un grand lac de silence au creux du ventre, je n'eus pas de rêves.
Au matin, je me suis éveillé dans le blanc grondement des vagues. En ouvrant les yeux, je me suis cru en Écosse. C'était un jour clair, bleu et venté sur l'estuaire de la Clyde. Puis j'ai aperçu une jonque.
Il était encore très tôt et il n'y avait pas âme qui vive. Sauf cette jonque là-bas sur l'horizon. J'ai pensé aller faire un plongeon, mais je l'ai remis à plus tard, et suis resté sans bouger :
Encore un jour
et le soleil blanc qui brille
à l'est et à l'ouest
Kenneth White. Le visage du vent d'est. Errances asiatiques.
Espaces libres. Albin Michel.