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Journal d’un Métaphysicien de passage.

Journal d’un Métaphysicien de passage.

Déambulations, soliloques, billevesées et autres histoires à dormir debout.


Le miracle d'être.

Publié par konrad sur 17 Janvier 2013, 12:32pm

Catégories : #Eveil

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Voilà un petit livre d’entretiens, fort intéressant, menés par Charles Antoni avec Stephen Jourdain autour de la question de l’éveil.

L’Eveil qu’est-ce que c’est ? Comment ça se passe ? Quelles en sont les conséquences ?

A ces questions et bien d’autres Stephen Jourdain répond avec précision, clarté et humour.

 

Ce qui frappe c’est l’exigence de Jourdain à circonscrire l’éveil dans son essentialité même, à revenir sans cesse dans ce paradoxe afin d’extraire ce qui est difficile à décrire :

" D’une certaine façon, c’est l’évènement le plus colossal qui puisse se produire ; l’explosion de mille soleils dans la galaxie serait peu de chose à côté de cela, et d’un autre coté, il ne se passe absolument rien. C’est un non évènement pur.

Ce qui ne facilite pas la tâche du pauvre type qui a décidé d’en rendre compte parce que tout de suite il va s’empêtrer dans beaucoup de contradictions. Mais cela ne fait rien. "

 

" Cette chose-là change tout, c’est l’évènement majeur d’une vie.

Ce n’est pas seulement l’évènement majeur d’une vie, mais pour autant qu’il existe une chose telle qu’un cosmos, c’est l’évènement majeur du cosmos.

Il n’y a rien de plus important que cet évènement. " Je me deviens ", c’est l’évènement majeur, l’explosion de mille soleils.

Mais, en même temps, il ne se passe absolument rien.

La chose dont je parle n’a fondamentalement aucune retombée.

Cela n’a aucune retombée idéologique, bien sur aucune retombée dogmatique, aucune retombée doctrinale, aucune retombée intellectuelle.

Cela ne change strictement rien. Et pourtant, je suis obligé de me contredire dans la foulée, cela change tout ! "

 

Il ne cesse de nous ramener à l’être en tentant d’éviter tous les pièges que ne manquent pas de dresser " l’intellectualisme " de la raison, avec une parole de poète éclairé :  

" Ce n’est pas un trésor que l’on va exhumer, c’est un geste que l’on va faire. Et s’il est vrai que dans le sein même de cet acte, de ce verbe qui se conjugue lui-même, le trésor est là, encore faut-il conjuguer le verbe. C’est essentiellement un verbe, un acte. "

 

" Nous vivons au milieu des savoirs : les savoirs, c’est de l’ordre de l’intelligence, ce n’est pas de l’ordre perceptif.

Il faudrait passer une fois pour toutes le scalpel de la discrimination entre ces deux plans.

Quand je perçois véritablement, sans penser, sans qu’il y ait interférence de ces deux dimensions, eh bien, ce que je perçois est glorieux.

Je ne suis pas face au duplicata, je suis face à l’original divin ! Et cet original divin parle directement à mon âme.

Nous sommes dans la gloire initiale, nous sommes dans Eden.

Il y a l’autre face d’Eden qui est l’usage de la faculté d’intelligence. Mais surtout, ne pas mélanger les deux ! "

 

Difficile de parler de l’éveil sans susciter des images qui le figent dans des postures qui n’on plus rien à voir avec son essence. Cette non-dualité, surgissement de conscience est aussi une réactualisation du Réel :

" Dans tout le champ de l’expérience, c’est la destruction, c’est l’apocalypse joyeuse ; ce n’est pas par devoir que l’on mitraille son champ de conscience, qu’on anéantit tout ; c’est joyeusement et pour le salut de ce qui jailli en soi. "

 " L’une des caractéristiques de ces moments, c’est la disparition du sentiment obscur et fondamental de séparation. (…) Dès l’instant où cette extase et cette non-séparation se mettent en place, c’est le déferlement du sens dans la moindre des perceptions avec un changement radical dans la manière dont on fait attention ! (…) A ce moment-là il y a une dé-hiérarchisation de la perception, tout acquiert le même niveau. Mais ce n’est pas le nivellement par le bas, c’est le nivellement par le haut, tout scintille de la même valeur divine.  "

 

" C’est une pertinence, une très grande pertinence mais la seule véritable insulte à la vie et à l’être c’est la pertinence sur la vie ou sur l’être. Donc, abolition de ce sentiment de séparation et cessation de la malversation, c'est-à-dire du placage. La bouteille reste bouteille, le plastique reste plastique, les idées sont là mais tout le placage intellectuel a été balayé et dès cet instant le sens déferle.

Le sens déferle dans la bouteille en plastique, la merveille déferle dans la bouteille et le sens déferle dans mon âme, la merveille déferle dans mon âme.

Il est vrai que je fais un avec la bouteille en plastique, c’est tout à fait juste mais cela n’implique nullement que je ne m’en différencie pas. 

Je lance cette idée pour finir : généralement nous avons tendance et moi le premier, à confondre l’idée de séparation et l’idée de différence.

Nous sentons bien que la séparation est un mal effroyable, que c’est le nom même de l’hallucination mais comme nous nous attaquons à la séparation et comme nous ne l’avons pas bien discriminée de la différence, nous nous attaquons aussi à la différence.

En accomplissant cet acte fondamentalement légitime et nécessaire de tuer la séparation, on tue également la diversité et on la récuse. "

 

Jourdain traque dans tous les recoins de la pensée l’exactitude de l’éveil, il ne veut pas trahir ce qui a émergé et prévient ce qui guette :

" L’erreur à ne pas commettre c’est de vouloir s’approprier l’éternité.

C’est une erreur tactique.

Si cette grâce se présente et qu’elle fiche le camp, il faut absolument la laisser repartir, ne pas s’accrocher.

Nous, notre réflexe serait de traiter cette grâce comme quand nous étions petits, que notre maman sortait de la maison ou de l’appartement et qu’on voulait l’empêcher de sortir en l’attrapant par le bas de la jupe.

Eh bien, il ne faut surtout pas essayer d’attraper l’éternité par le bas de la jupe, de la retenir, parce qu’on va la tuer ! Non seulement on va la tuer mais on va la falsifier.

Quand l’éternité se déclare, il faut la laisser sagement repartir dans sa dimension avec tout son attirail extatique, être très heureux et surtout ne pas s’accrocher.

Mais cela peut dans certains cas être très difficile. "

 

Et ce qui nous empêche d’accéder à cet état :

" Voilà une bonne façon de caractériser l’état de conscience habituelle : nous ne nous étonnons de rien, tout coule de source, tout va de soi.

J’éprouve une grande joie, je ne m’étonne pas ! J’ai l’impression d’être, je ne m’étonne pas non plus, cela me parait couler de source.

Qu’est-ce qu’il y a derrière ce phénomène très extraordinaire de non étonnement massif ? C’est qu’en douce, on fournit une explication. Toujours ! A la vitesse de l’éclair.

Pas consciemment, ce n’est pas notre pensée consciente, organisée qui produit l’explication, c’est notre raison, notre pensée qui à la vitesse de l’éclair, a déjà introduit une explication et banalisé le phénomène. Nous sommes des machines à banaliser tous les miracles. "

 

A lire non seulement pour se faire une idée ou pour suivre les pas d’un éveillé un peu iconoclaste mais pour entrer dans une pensée originale, salutaire pour notre époque éprise de certitudes et de savoirs.

 

" L’important, je ne crois pas que ce soit tellement ce que l’on fait, c’est l’état d’esprit dans lequel on le fait. On devrait le faire joyeusement et activement, jamais tristement et passivement.

Il n’y a aucune obligation à s’éveiller.

Si on s’engage dans cette voie, c’est parce que l’on a soif, on a envie d’y aller, parce que c’est amusant et passionnant.

Si on y va à contre cœur, c’est dommage. Vraisemblablement serait-il plus fécond existentiellement parlant d’aller boire un demi à la terrasse d’un café si on en a vraiment envie.

Epouser sa propre pente est très, très important. Le propre des rivières est de couler dans leur lit, elles sont très sages.

Nous généralement, nous coulons à coté de notre lit, ce qui est peu raisonnable et c’est très dangereux parce que c’est une des expressions de la division de soi.

Il vaut beaucoup mieux aller au cinéma, parce que c’est un penchant naturel et simple et vivant, que d’aller ramper vers Dieu pour de mauvaises raisons et à contre cœur ! "

 

" Ce qu’il est important de dire c’est que, dans le fond, l’Eveil c’est gai, ce n’est pas triste, c’est vivant. Et c’est désobéissant, ce n’est pas bien-pensant du tout. "

 

" Je ne pense pas qu’il y ait des circonstances particulières. Je pense que la chose dont je parle est la potentialité de tout être humain et que cette foudre édificatrice peut fondre sur n’importe quelle âme, à n’importe quel moment, en n’importe quel lieu du parcours terrestre. "

 

" Mon seul dada, c’est d’essayer de dire le moins mal possible la vérité.

Parce que, après tout, il y en a une de vérité ! Il y a bien quelque chose comme Dieu qui existe, c’est au fond de nous.

Cette valeur est incommensurable et nous passons notre vie à la massacrer et à nous massacrer nous-mêmes.

Nous rétroagissons sur Dieu. On massacre le principe divin ! Ce qui vraiment donne la mesure de notre responsabilité. "

 

" C’est de dire la vérité et tant pis si elle est scandaleuse, à savoir que votre premier devoir est de sauver votre âme.

Ce n’est pas d’aimer votre prochain ni même d’aimer votre frère, votre mère. . . Votre premier devoir est de sauver votre âme, c’est de veiller, de vous veiller vous-même. "

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K
Très bien dit !<br /> Cordialement.<br /> Konrad.
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A
"Difficile de parler de l’éveil sans susciter des images qui le figent dans des postures qui n’on plus rien à voir avec son essence." Effectivement ! Admettons (admettons) que je me sois éveillé : déjà, la connotation du terme, sorte de truc à part ou en plus, objet de convoitise, beurk ! Comme il faudrait abandonner ce terme, si galvaudé ! Mais, ça existe, il y a vraiment quelque chose comme un sommet incontestable à une existence humaine : d'unique, ultime, absolu, radical. Et quand cela surgit : comment l'appeler ? Quand de toute évidence, cela qui surgit mérite - et mérite seul en toute pureté - le nom de Dieu ou d'éveil ? Mais "je suis éveillé" serait vraiment inadéquat : parce que cela ne me définirait pas plus qu'il ne m'indifférencierait, me dépersonnaliserait. Il n'y a pas pire méprise que quelqu'un (j'en ai rencontré) qui vous répond, d'aplomb : "Ah ah ah vous m enlevez les mots de ma bouche qui n a jamais parlé..." Un rire qui fait froid dans le dos. Si je m'étais éveillé, je m'apercevrais assez vite que le dialogue avec mes semblables serait compliqué : d'abord, parce qu'ils ne savent même pas (ils croient seulement, savoir) que ce que je vivrais existe. Mais c'est comme les couleurs pour un aveugle de naissance : il ne peut s'en faire aucune idée juste, que des représentations déformées,complètement faussées, tronquées (le pire étant qu'ils essaient ensuite de vivre selon cette caricature !). Ils prennent une posture : or, toute posture est une imposture, (et c'est là où c'est que le paradoxe est fort :) même celle qui consisterait à n'avoir aucune posture ! Il existe une chose telle qu'une vérité ultime, absolue, mais elle n'est aucune vérité, même la plus pertinente ! Les philosophes en perdraient la tête. En fait, la révélation qui aurait brillé une fois pour toutes, situable dans le temps et enflammant, accomplissant, parachevant au-delà de toute mesure, en l'unique instant de son surgissement, tous les instants d'une vie, passé, présent, futur : cette révélation court-circuite tout raisonnement, prend de court la pensée, fore la logique, culbute la raison, mais ne la détruit pas (surtout pas). C'est une floraison en tout sens, de sens, de sens à l'infini, à l'infini de l'infini : une infinitisation de la vie au point que même l'infini serait trop peu pour la décrire ; c'est ainsi que je dis souvent que si je suis Dieu (encore faut-il s'entendre sur le sens du mot, aussi tronqué que celui d'éveil ; moi, j'en parle au sens de Dieu déshabillé de ses oripeaux habituels d'édifices, de rites, de dogmes, de sacré ; lumière pure, sans caractère propre et pourtant, on ne peut plus lumineusement lumineuse ; lumière des lumières), le comble du luxe, c'est que je sois, aussi, pleinement, une créature avec ses caractères propres, ses qualités et défauts, sa vulnérabilité, sa mortalité, ses limites. (Je suis) Sans et (et !) avec limite(s) : (j'ai) tout et plus encore, tellement plus et au-delà, au-delà du par-delà. Enfin bref ! La spiritualité, conventionnelle, avec ses concepts figés, est incapable d'en rendre compte : tout comme la philosophie, parce que c'est hors catégorie, même de celle d'être hors catégorie Une photographie ne fait pas plus le mouvement qu'une hirondelle le printemps. Seule une parole libre et inspirée peut traduire l'intuition immédiate et claire de la vie, de la vie en son essence même, proprement, littéralement, littérairement inouïe : jamais elle ne sera (d)écrite dans aucun livre, ce mystère (tout le monde cherche une réponse, mais il s'agit d'un mystère, du vrai mystère et non tel par paresse ou aveuglement, du vrai mystère irréductible de la vie) est à jamais neuf et plein. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on voit très bien que 99.9999% des gourous, éveillés, spirituels etc. n'ont pas fait la découverte ultime, qu'ils (se) trompent : leur étonnement est d'une étonnante petitesse ! Il ne suffit pas de parler d'infini pour que l'infini, le sens de l'infini, soit là. Mais tous ces soi-disant témoignages ne font que répondre à l'attente des gens :or, si tout être humain est capable de ce dont a témoigné Jourdain (l'un des seuls cas authentiques), si rien n'est plus humain, seuls certains, à peu près aussi rares que les comètes dans les ciels, réalisent une telle potentialité faute de l’exigence nécessaire d’une recherche de vérité sans concession à quelque égoïsme que ce soit. Quel dommage !
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